Sur son blog, à propos de mon texte “Pas couché”, Hélène Leroy écrit :
“Je vais avoir du mal à trouver mes mots pour vous parler de ce texte car Manon, c’est un peu moi. […]
Comment les certains auteurs réussissent-ils à trouver les mots qui nous toucheront si personnellement, comment un texte de 67 pages peut-il résonner en nous si profondément ? Comment vous dites ? C’est…??? Ah, le talent de l’écriture ? Cela paraît si simple… Merci.”
À ces interrogations qui sont aussi les miennes, sans avoir de réponse à donner, je tenterai de dire…
Je ne suis pas différente des autres. Je suis, comme tout le monde, traversée par des émotions, des sentiments, des couleurs aussi (ah oui, les couleurs… j’en parlerai une autre fois !).
Mais j’ai souffert, longtemps, d’une sensibilité exacerbée qui m’envoyait me cogner sans cesse d’un extrême à un autre. Des montagnes russes fatigantes à gérer, autant pour moi que pour ceux qui m’entouraient.
Un peu trop sensible, un peu trop fragile, parfois cassante ou violente… On me disait « à fleur de peau », ou « épidermique »… C’est drôle, toutes ces expressions qui se rapportent finalement au toucher !
Alors j’ai peut-être, et très jeune, trouvé dans l’écriture la manière de « gérer » au mieux cette sensibilité-là, cette fragilité-là, cette violence-là. Pour ne plus en souffrir, mais pour au contraire essayer d’en faire quelque chose de beau et de fort à partager.
Les mots sont devenus tour à tour mes béquilles, mes paravents, mes fenêtres ouvertes, mes bouées de secours, mes aphrodisiaques, mes murailles de Chine, mes compagnons de souffrance, mes caresses sur la peau, mes amants, mes amours. Ils sont là, je sais qu’ils sont là. Tant dans la joie que dans la peine.
Essentiels à ma vie, ils parviennent désormais à l’apaiser, même lorsqu’ils traduisent des colères, des incompréhensions, des douleurs ou des chagrins.
Je crois, aujourd’hui, que ce sont les mots qui me traversent et que je n’y peux rien.
Parfois, j’arrive à les retenir, comme on fait un barrage grossier sur le lit d’une rivière. Le temps de les coucher sur du papier. Sans les apprivoiser, jamais, je sais qu’ils m’échapperont très vite, passeront par-dessus le barrage et reprendront leur course folle. Ils sont impétueux et libres, parfois très bêtes et très malheureux. Ils se sont chargés, en passant, du sable de mes rivières intérieures, et ils porteront, plus loin, mes sentiments mélangés, mes couleurs, mes fêtes… qui ne sont en rien différentes des couleurs et des fêtes de tout un chacun.
Aujourd’hui, lorsque je vois qu’ils parviennent à toucher des lecteurs et des lectrices, entrer en résonance, en vibration partagée, j’éprouve une joie très profonde, j’ai des frissons, je tremble un peu, je m’étonne, j’ai envie de rire dans une légèreté qui n’a pas toujours été mienne…
Et j’ai envie de dire merci à mon tour à ceux et celles qui me lisent.
Ainsi qu’à ceux et celles qui m’ont tendu la main sur ce chemin d’écriture, qui m’ont aidé lorsque les mots ont failli me lâcher, et qui sont toujours là.
Cathy Ytak, 20 mars 2014.