Retour sur une histoire…
Au début de l’année 2015, Jessie Magana m’a contactée pour évoquer avec moi une collection qu’elle projetait de créer aux éditions Talents Hauts : Les Héroïques. Nous avons discuté des thèmes qui pourraient faire l’objet d’un roman.
Parmi ceux que j’ai proposés, il y avait celui des « années sida ».
J’avais vingt-cinq ans dans les années 86 /87.
J’animais alors une émission d’infos gays et lesbiennes (on ne disait pas encore LGBT) sur Radio Libertaire, à Paris. Nous avions reçu l’un des premiers malades du sida à être médiatisé. À l’époque, on savait peu de choses sur le VIH…
En France, la dépénalisation de l’homosexualité était récente (1982), et la communauté gay touchée de plein fouet. Tant de silence autour de nous…
Deux ans plus tard, un soir de 1989, on recevait dans les studios trois personnes ; Didier Lestrade, Sophie-Anne, et peut-être déjà Cleews Vellay.
L’association Act Up France venait d’être créée et se proposait, à l’instar d’Act Up aux États-Unis, de faire bouger les lignes, secouer les consciences.J’ai découvert une nouvelle façon de militer, faite de rage et de rires, de couleurs, de mises en scène et d’images. Ils m’ont entraînée avec eux, je les ai suivis. Je m’y suis fait des ami(e)s que j’ai vu mourir trop tôt, certains très jeunes. Toujours trop jeunes. Toujours trop tôt.
Je les ai quittés lorsque j’ai commencé à ne plus supporter de me retrouver si souvent au crématorium du père Lachaise. Le rire coincé dans le désespoir d’une répétition sans fin.
Encore quelques années plus tard, je suis moi-même tombée malade. Pas du sida, mais d’une de ces cochonneries assez graves. J’ai repensé à Act Up, alors que les trithérapies commençaient à apporter un peu d’espoir…
Mais combien de temps faut-il avant de pouvoir reparler du passé ?
Aujourd’hui, dans les collèges et les lycées, je vois des jeunes qui se sentent si peu concernés par cette maladie qu’ils ne s’informent plus. Le taux de contamination au VIH réaugmente de façon alarmante, et on meurt encore du sida en 2017.
On se serait donc battus pour rien ? Insupportable idée...
J’ai commencé l’écriture de ce roman, sachant que ce ne serait pas facile.
Comment trouver les mots pour intéresser les ados d’aujourd’hui ? Et si je trahissais mes amis d’autrefois ? Ils étaient tous là, ces fantômes qui me hantent, à peser sur mes épaules…
Alors, pour eux, j’ai choisi de parler d’amour, de la beauté des corps qui se découvrent et s’apprivoisent, des rires et de la vie par-dessus tout.
J’avais terminé l’écriture « D’un trait de fusain » lorsque j’ai appris qu’un film allait être présenté à Cannes, qui parlerait d’Act Up : « 120 battements par minute ».
Il n’y a pas de hasard.
Au fond, Robin Campillo répondait peut-être à la question que je me posais : « Combien de temps faut-il avant de pouvoir reparler du passé ? »
Maintenant, je dirais… Vingt-cinq ans.
« D’un trait de fusain » sort en librairie aujourd’hui, 21 septembre 2017.
Et le vieux trois-mats Le Belem, plusieurs fois évoqué dans mon roman, revient aussi aujourd’hui dans le port de Saint-Malo, pour une halte de quelques jours.
Alors, pour tous ces voyages, je voudrais remercier ici celles et ceux qui m’accompagnent sur ce chemin de mots. Ceux d’aujourd’hui, si présents, si essentiels à ma vie. Ceux de toujours, et ceux et celles que je garde vivants à jamais dans ma mémoire.
Cathy Ytak, Saint-Malo, 21 septembre 2017.
Et dans la presse et sur les blogs…
“D’un trait de fusain”
Editions Talents Hauts
Collection Les Héroïques, dirigée par Jessie Magana.
Couverture Julia Wauters.
Roman ados, à partir de 15 ans.